Je vais sans doute, maintenant, être amené à utiliser souvent les termes : langue, langage. Ces termes sont-ils équivalents, autrement dit : est-ce que langue = langage ?
La réponse, vous vous en doutez, est : NON.
………. UNE LANGUE :
« La langue,… c’est un code, une convention, à partir de ce code, l’homme se construit son langage, mais la langue est le code lui-même »(1).
« … la langue, dont chaque sujet a conscience dans une population déterminée et qui lui sert de référence dans la communication avec les autres individus de cette population »(2).
« Pourquoi le timbre donné par un renforcement à 900 Hz et un autre à 1200 Hz évoque t-il immanquablement un /a/ ? Parce que c’est ainsi que nous avons appris la convention. Mais nous pourrions tout aussi bien dire que /a/ est représenté par un claquement de doigt et il n’en perdrait aucune de ses qualité informationnelles »(3).
« La langue… n’est pas une simple juxtaposition d’éléments que l’on peut augmenter à son gré mais un système organisé d’opposition et d’identité qui relie les unités les unes aux autres en des agencements complexes qui mènent aux concepts verbaux »(4).
« Donc un enfant peut reproduire n’importe quoi, n’importe quelle « langue » pourvu qu’on l’en imprègne, c’est-à-dire qu’il se trouve suffisamment sollicité par l’entourage pour produire ces formes et qu’il les entende, qu’il ait un modèle à imiter. C’est à ce moment là que l’on dit l’enfant extrêmement doué pour les langues parce qu’il arrive à reproduire des tonalités, des mélodies, extrêmement variées. Il n’est pas doué du tout, c’est une interprétation de l’adulte qui a du mal à apprendre une langue étrangère et qui transpose ses difficultés sur l’enfant, et qui constate que les sons émis par l’enfant peuvent être extrêmement variés, l’enfant n’a pas fixé son déterminisme articulatoire, il a toute latitude pour produire n’importe quel son, parce qu’il n’a pas encore les automatismes imposés par sa langue. Il n’a pas encore acquis ces automatismes et a plus de liberté pour produire n’importe quoi. Si on fait une analyse des sons produits par un enfant on s’aperçoit qu’il a des potentialités appartenant à des langues étrangères, il va produire des gutturales, des sons qui n’appartiennent pas à la langue de ses parents, et qui disparaissent quand on lui a appris à n’utiliser que les sons qu’utilisent ses parents. Donc ces possibilités vont disparaître parce qu’il y a une fixation des sons particuliers, ceux de la langue, conventionnels, codés, sons spécifiques, et il va apprendre les mouvements pour produire ces sons spécifiques, leurs gestes, il va en quelque sorte programmer ces gestes ce qui entraîne en conséquences, des difficultés pour programmer des gestes différents »(5).
La langue est un phénomène social, ses éléments sont : phrase, mot, phonème. Le phonème est un symbole et également une unité phonologique. Comme l’écrit N.S. TROUBETZKOY en page 37-38 de son livre « Principes de Phonologie » aux éditions Klincksieck (1986) : « Ces unités phonologiques qui, au point de vue de la langue en question, ne se laissent pas analyser en unités phonologiques encore plus petites et successives, nous les appellerons des phonèmes. Le phonème est donc la plus petite unité phonologique de la langue étudiée ».
Pour plus d’informations sur le linguiste russe N.S. TROUBETZKOY 1890 – 1938, voir le site internet : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nikolaï_Sergueïevitch_Troubetskoï
JYM
(1) Professeur J.C. LAFON « l’enfant sourd avant trois ans » Enjeu et embûches de l’éducation précoce actes du colloque international organisé par l’A.N.P.E.D.A. Paris 2,3 et 4 novembre 1979 page 145.
(2) Professeur J.C. LAFON « intelligibilité phonétique & acoustique » Bulletin d’Audiophonologie 1979 N°5 Volume 9 page 12.
(3) Professeur J.C. LAFON « amplification compensée » Bulletin d’Audiophonologie 1971 N°2 Volume 1 page 171.
(4) Professeur J.C. LAFON « amplification compensée » Bulletin d’Audiophonologie 1971 N°2 Volume 1 page 160.
(5) Professeur J.C. LAFON « texte sur le langage exposé oral Délémont 1977 » page 9-10.