Pourquoi la simulation des logiciels est différente de la réalité – les secrets du CoRFIG (le revoilà celui là !)

basé sur un article de Jennifer Schumacher, AuD

Pourquoi l’affichage simulé dans le logiciel d’ajustement ne correspond-il pas à la sortie réelle dans l’oreille de mon patient ? ou quel est l’intérêt de récupérer cette valeur essentielle pour nos fabricants.

La question qui évidemment vous turlupine et vous empêche de trouver le sommeil. Elle est là, brute, juste en dessous :

Lorsque je crée un nouvel appareil auditif pour un patient, pourquoi l’affichage simulé dans le logiciel d’appareillage ne correspond-il pas à la sortie réelle dans l’oreille de mon patient ? 

source anonyme

La réponse a été maintes fois évoquée sur ce blog : REUG et RECD expliquent les écarts recueillis entre la réalité au tympan et la simulation fournisseur, mais un article Américain m’a permis de mettre en exergue une valeur passée un peu inaperçu et qui a un acronyme assez effrayant : le CoRFIG (avec un petit « o » s’il vous plait).

Grosso modo, il ressemble à ça :

Nous comptons évidemment sur notre logiciel fournisseur pour nous donner une « image » la plus réaliste de ce qui se passe au fond de CAE.

Il est évident qu’en « nourissant » mon logiciel fournisseur de donner complémentaire, la représentation graphique d’un gain d’insertion ou d’un niveau de sortie sera plus fidèle à la réalité.

Il est donc important de préciser que les logiciels de fitting sont un grand raccourci qui peuvent s’appuyer que sur un audiogramme tonal liminaire en circumaural. C’est un processus rapide et automatisé, et il est facile pour les audioprothésistes débutants de supposer que ce que vous voyez à l’écran représente ce que l’aide auditive fait réellement. 

Le logiciel fournisseur utilisent de multiples algorithmes et hypothèses pour créer la simulation (comportement de l’audioprothésiste par exemple), qui peuvent différer considérablement de la pression acoustique délivrée au tympan.

Plusieurs études ont montré que l’ajustement des écrans logiciels diffère de la sortie mesurée dans l’oreille. 

En général, la plus grande déviation par rapport au gain simulé ou aux cibles est mesurée dans les hautes fréquences (2-4 kHz) et est en réalité inférieure à ce qui est prédit par le logiciel d’ajustement, jusqu’à 10 dB ou plus (Hawkins et Cook, 2003; Aazh et Moore, 2007; Sanders et al, 2015). Ce phénomène peut être facilement vérifié en regardant les différences de courbes de réponses en insérant le REUG et le RECD.

 De plus, la sortie mesurée pour les entrées plus douces peut être inférieure aux cibles prescrites, tandis que les entrées plus fortes peuvent être supérieures aux cibles prescrites (Sanders et al, 2015). 

Prenons un exemple : X a une perte auditive neurosensorielle en pente bilatérale et sera équipé binauralement de dispositifs intra-auriculaires utilisant des récepteurs de puissance moyenne. Sa perte auditive est très similaire aux pertes auditives utilisées dans les études citées ci-dessus et est bien sûr très fréquemment observée chez les patients porteurs d’aides auditives.

Audiogramme

Dans le sens le plus simple, le logiciel fournisseur s’appuie sur les seuils de tonalité pure de X pour calculer le réglage (n’oubliez pas que les cibles de NAL NL2/DSL v5.0 des fabricants différent également). 

Le résultat est un ajustement simulé avec des courbes cibles prescrites pour chaque niveau d’entrée et le gain correspondant aux cibles actuellement définies dans l’aide auditive. Il s’agit du raccord par défaut, et il est affiché ci-dessous dans la figure 2:

Figure 2. Ajustement par défaut de X, en utilisant des cibles NAL-NL2, vue en gain d’insertion. Je reprends l’exemple donné par J. SCHUMACHER, 2018.

L’affichage est aussi bon que «moyen»…

La vue par défaut pour l’ajustement de X est le gain d’insertion, qui simule le gain de l’appareil en plus du REUG. Les fournisseurs par défaut utilisent soit le gain d’insertion, soit une vue de sortie simulée. 

Les mesures et la vérification d’une aide auditive chez le fabricant sont toutes effectuées à l’aide de coupleurs : calcul du gain d’insertion ou de la sortie par exemple. 

Et pour effectuer le saut entre le gain du coupleur et le gain d’oreille réel simulé, une conversion doit avoir lieu. Et nous voila nez à nez avec notre fameux, l’objet de notre article, le CoRFIG, ou Coupler Response for Flat Insertion Gain (Killion & Monser, 1980). 

CoRFIG comprend trois grandes variables. Ces variables sont le gain étymotique (REUG), l’effet de localisation du microphone (MLE) et la différence entre l’oreille réelle et le coupleur (RECD) (Killion et Monser, 1980; Mueller, 2001).

  1. Gain réel sans aide de l’oreille (REUG)
  2. Effet de localisation du microphone (MLE, Microphone Locations Effect): lorsque l’onde sonore arrive au microphone de l’aide auditive, elle subira des variations qui sont fonction de l’emplacement physique du microphone sur la personne. Plus le microphone est proche du tympan, plus la réponse du microphone de l’aide auditive sera proche de la réponse de l’oreille ouverte. Les CIC ont le plus petit MLE, tandis que les contours d’oreilles ont un MLE élevé pour cause de distance importante au tympan. Ainsi, des CORFIG différents doivent être créés pour chaque type d’aides auditives, afin de tenir compte des différences de MLE. 
  3. La différence entre l’oreille réelle et le coupleur (RECD): pour une même entrée dans un coupleur 2 CC et l’oreille du patient, la sortie sera différente. Cette différence en Fréquence s’appelle le RECD. Hélas, l’utilisation du RECD seul pour créer des simulations de gain d’insertion ne fonctionnera pas, car il manque des informations sur la façon dont le son est modifié par le physique de la personne portant l’aide auditive (REUG) et le type d’appareils (MLE). 

Donc, CoRFIG = REUG – RECD – MLE = Gain au coupleur 2cc – REIG

Killion & Monter, 1980

Bien que la définition de CORFIG soit standardisé dans l’industrie, la façon de les obtenir ne l’est pas (Fabry, 2003). 

Les CORFIG peuvent être calculés à l’aide de données standardisées publiées ou mesurés à l’aide de KEMAR ou d’un groupe de sujets humains. Il n’y a pas nécessairement un ensemble standard de datas ou de techniques de mesure utilisées et partagées par tous les chercheurs et les fabricants. Ce qui, avouez le, est quand même problématique. Je sens la tension montée chez toi, lecteur/trice.

Cela signifie que chaque fabricant d’aides auditives utilise sa propre implémentation de CORFIG ! Ceci est clairement illustré sur la figure 3, où le CORFIG a été extrait pour six aides auditives de différents fabricants avec écouteurs déportés (HP de faible puissance). 

Figure 3.  CORFIG pour les aides auditives RIE de faible puissance de six fabricants différents. Malgré la similitude en termes de type d’appareil, il y a une certaine variation dans les réponses. 

Chaque aide auditive a été programmée avec le même gain d’insertion de 20 dB, puis la sortie a été mesurée dans un coupleur 2 cc. En soustrayant les 20 dB de gain d’insertion, nous nous retrouvons avec le CORFIG. 

Real-Ear Measures | Semantic Scholar
Figure 3 bis : méthodologie de mesure du CORFIG

Même lorsque vous utilisez des aides auditives similaires, il y a jusqu’à 14 dB de variation entre les fabricants aux fréquences les plus basses et les plus élevées mesurées, et 10 dB de variation à 3150 Hz. 

Comme il s’agit de RITE avec écouteur de faible puissance, nous pouvons supposer qu’ils seront probablement adaptés avec des dômes ouverts, dans ce cas, cela signifie qu’il y aura encore plus de variabilité autour de 2-4 kHz, selon le REUG individualisé.

Le CORFIG utilisé par les méthodologies (les grandes NAL/DSL et les propriétaires) diffère également😅😅😅😅😅😅. 

Lorsqu’un fabricant inclut méthodologies tierces dans son logiciel, il doit utiliser un CoRFIG, qui est probablement celui qui a été développé en interne, car les informations CoRFIG tierces ne sont pas toujours disponibles (et ouaip !). Je vois lecteur/trice que la grosse veine du front bat à une cadence infernale !

… Et ce n’est que le début !

Le CoRFIG est l’une des variables qui explique l’écart simulation fabricant/réalité fond de CAE. Il y en d’autres qui ne sont pas pris en compte.

Par exemple :

  • profondeur d’insertion
  • ventilation
  • fuite acoustique du couple embout/CAE

En conclusion

Il est nécessaire de prendre avec du recul les simulations fournisseurs, en l’analysant comme la résultante d’une somme de variables moyennées (CoRFIG, REUG, RECD, MLE).

Les CoRFIG de vos logiciels préférés peuvent en plus changer sans que vous le sachiez, ce qui peut rendre sans mesures en fond de CAE, les renouvellements laborieux (on peut penser que les outils de transferts de réglages conservent les CoRFIG ou mesures les écarts avec les nouveaux).  

De même, les méthodes de réglages utilisent des CoRFIG qui peuvent différer de ceux utilisé par vos fournisseurs 🤯. 

Il est donc essentiel de corriger les logiciels fournisseurs en intégrant les REUG et RECD. A noter que certains logiciels mesurent le MLE.

Alors, en fin de compte, cela nous amène à au fils rouge de ce blog, mesurez les valeurs vous gagnerez du temps et des certitudes !

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Références

Aazh, H. & Moore, BC (2007). La valeur de la mesure de l’oreille réelle de routine du gain des aides auditives numériques . Journal de l’American Academy of Audiology,  18 (8), 653-664.

Fabry, D. (2003) .Aides auditives non linéaires et vérification des objectifs d’ajustement. Trends In Amplification, 7 (3), 99-115.

Hawkins, DB & Cook, JA (2003). Valeurs de gain prédictives des logiciels d’aide auditive: quelle est leur précision? Journal d’audience, 56 (7), 26-34.

Killion, MC et Monser, EL (1980). CORFIG: réponse du coupleur pour un gain d’insertion plat. Dans  Acoustic Factors Affecting Hearing Aid Performance , GA Studebaker et I. Hochberg (éd.) Baltimore: University Park Press.

Mueller, HG (2001). Mesures sonde-microphone: 20 ans de progrès. Tendances d’amplification, 5 (2), 3-39.

Mueller, HG & Picou, EM (2010). L’enquête examine la popularité des mesures sonde-microphone à oreille réelle. Journal d’audience,  63 (5), 27-32.

Sanders, J., Stoody, T., Weber, J. & Mueller, HG (2015). Les raccords NAL-NL2 des fabricants échouent à la vérification réelle. Révision de l’audience,  21 (3), 24.