Mais pourquoi utiliser le phonème ?Le Professeur LAFON nous en donne la réponse en page 108 de son livre « le test phonétique et la mesure de l’audition », dans le paragraphe 1. et la dernière phrase (je me suis permis de les surligner et de les souligner) de :
« Les critères de l’exploration auditive
…Pour les tests faisant entrer en jeu le langage on peut considérer trois niveaux : le symbolisme phonétique (acougramme, tests de logatome, test phonétique), le sens des mots (test de nom, tests d’intelligibilité), les suppléances linguistiques (tests de phrase).
Quand on veut connaître la valeur du système acoustique cochléaire, on est obligé de tester l’ensemble de la fonction, comme dans toute mesure indirecte. Nous mesurons la connaissance du sujet dépendant du fonctionnement de l’organe périphérique.
Pour être précise une méthode de mesure doit :
1. Etre basée sur l’aspect unitaire le plus simple de la connaissance auditive. Les qualités de cette unité servent de paramètres.
2. Il est indispensable que tout sujet susceptible d’être soumis au test possède un excellent apprentissage de l’identification de ce paramètre. Pour pouvoir comparer à une moyenne, il faut que l’apprentissage soit équivalent pour tous les sujets et ne s’améliore pas durant l’examen.
3. Il doit être possible d’atteindre les limites physiologiques de la reconnaissance et de pouvoir les chiffrer.
4. Cette limite chiffrée ne doit pas varier chez l’individu normal ou tout au moins les écarts doivent être connus et assimilés à une marge d’erreur.
C’est ainsi que l’audiométrie tonale liminaire est excellente, elle répond aux quatre critères ; alors que le test de Lüscher ne répond pas aux critères 2 et 4. Le test d’intelligibilité utilisant le mot comme unité et sa signification ne répond pas au critère 1, le phonème étant l’unité de langage la plus simple etc. »

« General criteria for judging hearing tests
…Where language tests are involved, one may distinguish three levels : phonetic symbolism (acougram, nonsense syllabe tests, the phonetic test), the meaning of words (name test, intelligibility tests) and linguistic flexibility (sentence lists).
If one wishes to investigate the functioning of the cochlear system, one is obliged to test the whole auditory system, as in any indirect measurement. What we are in fact measuring is the subject’s knowledge, which depends on the functioning of the peripheral organ.
In order to be precise, a method must :
1. be based on the simplest unitary aspect of auditory knowledge. The properties of this unit serve as parameters.
2. Any subject capable of being tested must have been given a thorough training in the identification of this parameter. In order to be able to compare the results, one must ensure that all subjects receive an equivalent training, and that their skill in identification does not increase during the test.
3. It must be possible to reach the normal levels of the knowledge and to give a numerical measure of these levels.
4. This numerical measure of the limit must be constant in a given individual, or at least the variations must be known, and included in the margin of error.
For example, liminal tonal audiometry is an excellent method, satisfying all four requirements; while the Lüscher (section 4.2.2) does not satisfy requirement 2 and 4. The intelligibility test using the word as unit does not satisfy requirement 1, as the phoneme is the simplest unit of language; and son on. »Le phonème est donc à utiliser car aussi :
« Le phonème, unité de langue, est le plus simple des éléments de référence du langage. »(1)
« L’élément utile pour la mesure des qualités d’identification d’un sujet n’est ni la phrase, ni le mot, mais incontestablement le phonème, élément le moins prévisible. »(2)
Et, si on veut aller plus en avant, qu’est-ce qu’un phonème ?
« Le phonème désigne l’image mentale d’un phénomène acoustique, c’est un concept de langue, unité de mesure du langage. L’idée que nous nous en faisons est proche de celle que s’en font ceux qui ont la même langue que nous. C’est un symbole-étalon d’ordre social, que nous avons toujours à notre disposition mais dont nous ne nous servons pas. »(3)
En effet, lorsqu’on prononce /mât/, on ne prononce pas le /m/, puis le /a/ seulement après la fin du /m/. C’est pour cela que le Professeur LAFON dit que nous ne nous servons pas du phonème /m/ en tant que tel [fondamental laryngé 140 Hz, de F1 300 Hz, de F2 2700 Hz, de F3 3800 Hz] (4) puis du phonème /a/ en tant que tel [fondamental laryngé 170 Hz, de F1 800 Hz, de F2 1100 Hz, de F3 3000 Hz pour une voix féminine] (5).
Il y a, en fait, une transition phonétique entre /m/ et /a/ qui modifie chacune des structures acoustiques des deux phonèmes.
Pour bien montrer l’importance de ces transitions phonétiques :
« …l’on identifie non des phonèmes mais des transitions phonétiques qui sont partiellement perçues même si leur aboutissement au point d’articulation est inaudible : les critères d’identification ne sont pas les mêmes que pour l’entendant…La surdité de sénescence est pour cela bien caractéristique. Elle est apparue très progressivement, le sujet a modifié sans s’en rendre compte son système de référence et l’identification de la parole est peu perturbée par rapport à la courbe tonale. »(6)
Le Professeur ayant parlé de point d’articulation, en voici sa définition :
« La position des organes phonateurs détermine une série de cavités dont les résonances évoquent chez l’auditeur une image phonétique. Sur un enregistrement le point d’articulation se situe aux points d’inflexions des zones acoustiques fréquentielles, il correspond à un changement de direction des mouvements musculaires. C’est le seul repère précis que l’on puisse déceler dans la continuité de l’expression phonétique.
Le passage d’un point d’articulation à un autre, entraîne la formation de transitions acoustiques phonétiques qui constituent les éléments de la syllabe. En considérant des points d’articulation virtuels, le passage d’un point à l’autre contient la totalité de l’expression. Nous appellerons ces passages des transitions phonétiques. L’identification du phonème dépend d’elles: même si le point d’articulation n’est pas parfaitement atteint, ou si les sons émis deviennent imperceptibles, le mouvement vers le point d’articulation permet souvent à l’auditeur d’identifier néanmoins le phonème en extrapolant. »(7)
La dernière phrase :
« … le mouvement vers le point d’articulation permet souvent à l’auditeur d’identifier néanmoins le phonème en extrapolant ».
Voici l’explication de ce que nous rencontrons assez souvent dans notre pratique quotidienne d’audioprothésiste : l’audiométrie tonale est mauvaise et pourtant la personne comprend encore bien lors de l’audiométrie vocale.
Vous allez sûrement relire plusieurs fois toutes ces phrases écrites par le Professeur LAFON.
Peut-être pour les trouver d’une banalité affligeante, peut-être pour les trouver géniales car elles répondent à une question que vous vous posez depuis longtemps.
Dans le test phonétique, il y a quatre listes :
– la liste de balayage.
– la liste cochléaire.
– la liste de recrutement.
– la liste d’intégration.
Dans le prochain article, je commencerai par la liste que je trouve facile pour débuter avec le test phonétique.
Je veux parler de la liste cochléaire que j’ai utilisée seule pendant des années, sans penser utiliser un jour les autres.
JYM
(1) page 55 du livre « le test phonétique et la mesure de l’audition »
(2) page 69 du livre « le test phonétique et la mesure de l’audition »
(3) page 54 du livre « le test phonétique et la mesure de l’audition »
(4) page 120 du livre « message et phonétique »
(5) page 116 du livre « message et phonétique »
(6) page 178 du livre « le test phonétique et la mesure de l’audition »
(7) page 52 du livre « le test phonétique et la mesure de l’audition«
J’espère ne pas décevoir 🙂
Merci beaucoup pour ton commentaire.
Et bien moi qui fait passer des cochléaires de Lafon depuis des années… j’attends la suite avec impatience 😉