Je vais sans doute, maintenant, être amené à utiliser souvent les termes : langue, langage. Ces termes sont-ils équivalents, autrement dit : est-ce que langue = langage ?
La réponse, vous vous en doutez, est : NON.
………. VOTRE LANGAGE :
« Le langage qui a pour unité la transition phonétique, élément le plus constant de la parole perçue ou émise, est un système physiologique donc individuel »(1). Il existe, au moins, 600 transitions phonétiques différentes. Le langage est INDIVIDUEL, chacun développe SON langage.
« Le langage et ses expressions orales reflètent l’imprégnation du sujet par cette langue collective et son utilisation à des fins de communication bien sûr, mais aussi de mise en forme d’idées exprimées ou non. Ces dernières activités représentent ce qu’on appelle la pensée verbale »(2).
« Le langage, c’est quelque chose qui est intériorisé, dont la parole est l’expression. Mais la parole n’est pas le langage »(3). A partir du code qu’est la langue, chacun d’entre nous se construit son propre langage.
« Le langage est une fonction psycho-physiologique dont la parole représente l’expression dans une hiérarchie de degrés : phrase phonétique, syllabe, transition articulatoire et acoustique, point d’articulation. Son existence est liée au système d’expression d’une communauté humaine, il est individuel et sert de base à la formation d’une pensée qui ne peut se structurer sans son aide. Ce qu’on appelle langage intérieur ne comporte pas d’émission sonore, c’est une transposition sur le plan cérébral des images évoquées par les messages acoustiques. Il permet à la conscience individuelle de s’ouvrir à la pensée par une formulation qui précise les constructions idéatoires »(4).
« Le langage se développe à partir d’une communication donc de l’élaboration de concepts construits sur un canevas de langue » (5).
Par l’appareillage auditif nous permettons, nous Audioprothésistes, à l’être humain (de l’enfant à la personne âgée) souffrant d’une perte auditive de sortir « d’un isolement qui le prive de la seule valeur spécifiquement humaine, le langage »(6). Quel beau métier que celui d’Audioprothésiste, il mérite qu’on le pratique avec sérieux.
« Une surdité légère n’entraîne de retard de langage que chez un enfant qui est naturellement peu doué.
Alors que la demi-surdité, dont le seuil moyen se situe entre 40 et 70 décibels (dB) de perte pour les fréquences conversationnelles, entraîne un retard de langage certain, les enfants très doués arrivent à structurer ce qui leur manque à l’aide de la lecture labiale, leur permettant un langage spontané qui parait, à l’examen, discordant avec le seuil d’audition.
… Le problème du langage est le problème primordial de l’enfant sourd. Un enfant sourd qui a acquis du langage est un enfant qui entre en contact avec les autres, qui peut communiquer, c’est un adolescent qui est capable d’apprendre une profession qui lui plaira, c’est un adulte qui peut mener une vie sociale normale »(7)
« C’est à la poésie que nous adresserons pour montrer à la fois le rôle fondamentalement spirituel du langage et son action symbolique indissociable d’ordre esthétique ou affectif. Tout d’abord, nous empruntons à Pierre EMMANUEL, philosophe de la poésie, sa richesse expressive : « le langage est la forme des mouvements de l’âme. Il ne fait pas que les figurer : il les suscite, les détermine, les oriente, les élève à la conscience. Il constitue l’esprit. De cette activité créatrice, le verbe est à la fois la matière et l’outil. En même temps que dans la parole, quelque chose se passe en moi : créant l’oeuvre, je me modifie. Aucun thème n’est statique en moi, pas plus qu’en elle »(Pierre EMMANUEL « le goût de l’Un » page 173) » (8).
Pierre EMMANUEL 1916 – 1984 : Poète français, Journaliste, Académicien, Président de l’I.N.A. (Institut National de l’Audiovisuel). Pour plus d’informations, voir le site : http://www.pierre-emmanuel.net/c/Biographie/En_bref/page/1
JYM
(1) Professeur J.C. LAFON « le test phonétique et la mesure de l’audition » page 229.
(2) Professeur J.C. LAFON « intelligibilité phonétique & acoustique » Bulletin d’Audiophonologie 1979 N°5 Volume 9 page 12.
(3) Professeur J.C. LAFON « l’enfant sourd avant trois ans » Enjeu et embûches de l’éducation précoce actes du colloque international organisé par l’A.N.P.E.D.A. Paris 2,3 et 4 novembre 1979 page 145.
(4) Professeur J.C. LAFON « le test phonétique et la mesure de l’audition » page 54.
(5) Professeur J.C. LAFON « les enfants déficients auditifs » page 98.
(6) Professeur J.C. LAFON « amplification compensée » Bulletin d’Audiophonologie N°2 Volume 1 Année 1971 page 125.
(7) Professeur J.C. LAFON « amplification compensée » Bulletin d’Audiophonologie N°2 Volume 1 Année 1971 page 140-141.
(8) Professeur J.C. LAFON « audition et langage en 1968 » page 29.