Nous sommes fin mai 1994. Je suis tout heureux car j’ai réussi à obtenir du Professeur Jean-Claude LAFON qu’il intervienne durant deux jours au siège parisien de l’entreprise pour laquelle je travaille. Une petite dizaine d’Audioprothésistes est là pour l’écouter. J’enregistre ses paroles sur cassettes à bande magnétique. Ce que je vous propose en est une retranscription écrite, non in extenso car malheureusement certaines cassettes s’avéreront de mauvaise qualité et donc inaudibles à l’écoute. Je m’en veux encore !
Professeur Jean-Claude LAFON :
« Venons-en aux mélodies, c’est-à-dire à la structure de la phrase (les formants sont des structures appartenant aux timbres. Ce sont des structures dominantes pour l’appareillage auditif) car il ne faut pas oublier que dans une reconnaissance de parole, on a à reconnaître des structures qui dépendent de l’articulation = structure type appartenant à une langue déterminée. Il existe d’autres structures qui sous-tendent ces structures types : ce sont les éléments prosodiques et mélodiques. Ceux-là ne sont pas conditionnés par la langue mais par la parole (c’est-à-dire des systèmes dialectaux). On ne les apprend pas dans un livre, ils sont conditionnés par les nécessités de la phonation. »
« Quand on veut faire sonner un « i » il faut être plus aigu, pour un « a » on peut se détendre. On a donc des éléments mélodiques conditionnés par la structure phonétique d’où indirectement les éléments mélodiques appartiennent à la parole et deviennent de ce fait là des éléments discriminants de la parole. »
« De même pour les éléments prosodiques. D’abord la mélodie permet de reconnaître ce qui est voyelle, consonne sonore, consonne sourde. Les éléments prosodiques permettent d’entendre ce qui est court, long, intense, pas intense, bruit, pas bruit. Ce sont donc des éléments acoustiques qui ne sont pas directement liés à la langue, qui sont des éléments d’intelligibilité de la parole. Ces éléments là sont très peu dépendants de l’oreille contrairement aux éléments phonétiques qui sont eux strictement dépendants de l’oreille, d’où toutes les méthodes d’audiométrie qui veulent tester une qualité de l’oreille doivent jouer sur le timbre. Si vous jouez sur d’autres éléments, comme les éléments prosodiques et mélodiques, si vous jouez sur des éléments de signification (mots appartenant à un groupe à thèmes), vous restreignez les possibilités de choix, vous augmentez les possibilités de suppléance, vous réduisez la valeur audiométrique. Plus vous donnez des éléments qui ne vont pas dépendre de l’oreille, moins vous avez de l’audiométrie, plus vous avez une étude d’intelligibilité globale qui vous donnera de mauvais renseignements en ce qui concerne l’oreille. Pour la prothèse, ce qui nous intéresse c’est l’intelligibilité et pas trop l’oreille. Pour l’ORL c’est l’inverse. »
« Vocalisation : étude tous les trentièmes de seconde de la fréquence (calculer la fréquence à partir d’un sonagramme). On peut en faire une moyenne et faire le rapport entre une valeur de l’étude et la moyenne (la moyenne est ici aux alentours de de 420, 450 on est au-dessus de la moyenne). Le rapport de la valeur instantanée à la valeur moyenne permet de tracer une courbe mélodique qui sera établie par rapport à la psychologie du sujet. Avec cette courbe (valeur instantanée/moyenne de la hauteur du larynx) vous faîtes disparaître une grande partie des facteurs individuels (facteur femme, enfant, homme, registre élevé, grave, puisqu’on ramène tout à des rapports de hauteur). On a à ce moment là une méthode qui permet de calculer des mélodies d’une phrase, les indices mélodiques d’un sujet. Ces indices mélodiques sont très importants, fondamentaux pour la parole et l’intelligibilité. »
JYM