Nous sommes fin mai 1994. Je suis tout heureux car j’ai réussi à obtenir du Professeur Jean-Claude LAFON qu’il intervienne durant deux jours au siège parisien de l’entreprise pour laquelle je travaille. Une petite dizaine d’Audioprothésistes est là pour l’écouter. J’enregistre ses paroles sur cassettes à bande magnétique. Ce que je vous propose en est une retranscription écrite, non in extenso car malheureusement certaines cassettes s’avéreront de mauvaise qualité et donc inaudibles à l’écoute. Je m’en veux encore !
Professeur Jean-Claude LAFON :
« On quitte l’acoustique de la parole, on passe à l’oreille. »
« Il n’y a pas de son fondamental, le son fondamental n’est qu’une étude mathématique, analogique mais pas du tout la réalité en tant qu’un son qui parviendrait à l’oreille. Ce sont les impulsions successives qui parviennent à l’oreille, c’est du temporel. L’audiogramme correspond à un spectre. On y a volontairement enlevé le temps parce qu’il est gênant, cela ne facilite pas les calculs et les études. Mais à force d’enlever, on a oublié que l’oreille fonctionnait en temporel. »
« Une étude a montré que le plus petit intervalle de temps qu’un sujet pouvait distinguer (utilisation de Haut-Parleur ionique sans masse ni temps de montée, ni rémanence, ni amortissement : ionophone) c’est une milliseconde. Autrement dit, le système acoustique cochléaire peut fournir au cortex une information temporelle de durée (une successivité) jusqu’à une milliseconde. Une milliseconde, c’est la période réfractaire de la fibre nerveuse (temps que met la fibre nerveuse déchargée pour se recharger. Elle peut repulser après s’être rechargée). En dessous d’une milliseconde, il n’y a plus de durée, tout est instantané. En dessus d’une milliseconde le système nerveux peut transmettre, à partir de l’oreille, des intervalles de temps et pas seulement des hauteurs. »
« Combien de temps met l’oreille pour s’amortir ? On envoie une impulsion de 90 dB, 40 millisecondes après une impulsion dont on fait varier l’intensité. S’il y a un masque, c’est qu’il y a encore mouvement. 60 millisecondes c’est la limite du champ auditif (16 Hz). Si un son survient 20 millisecondes après le premier, la cochlée est donc encore en mouvement, le second va interférer avec le premier. Il va y avoir des interférences différentes si c’est 30 millisecondes ou 10 millisecondes après. Elles sont d’autant plus importantes que les deux impulsions sont proches. Si on entend une hauteur c’est qu’il y a interférence. Il y a une mémoire de l’oreille (comme dans le sonagraphe) qui permet de garder la trace de l’impulsion précédente. L’oreille peut connaître la période puisqu’elle a, en un instant donné, en mémoire la trace de l’impulsion précédente et celle qui arrive. »
JYM