Grâce à la liste cochléaire (voir « LAFON 7 la liste cochléaire (2) »), si l’on fait varier l’intensité d’émission au fur et à mesure des éléments utilisés, on trouve les déformations acoustiques générées par la cochlée.
Il est raisonnable de penser, l’amplification améliorant normalement l’audibilité, que les déformations acoustiques donc le nombre d’erreurs phonétiques puissent alors diminuer avec l’aide d’un appareillage auditif.
Y a t-il d’autres renseignements que la cochlée puisse nous livrer ?
Oui : grâce à la liste de recrutement qui « … confirme l’atteinte cochléaire… »(1)
Voici comment pratiquer :
Un grand remerciement au Collège National des Audioprothésistes (CNA) pour avoir réalisé 5 CD d’audiométrie vocale :
http://www.college-nat-audio.fr/listes-cd-audiometrie-vocale.html
Tout audioprothésiste devrait les posséder.Comme on le voit grâce à ce lien, la liste de recrutement qui se trouve sur le CD 2 comporte 4 éléments de 10 mots chacun.
Devant chaque mot se trouve le phonème utile, c’est sur lui seul qu’on vérifie qu’il n’y ait pas d’erreur phonétique commise.
Exemple : Au lieu de répéter « chape » où le phonème utile est /a/ la personne répète « tape », « chatte », « échappe »… Le /a/ n’est pas déformé : aucune erreur n’est comptée sur ce mot. Par contre si au lieu de répéter « chape » la personne répète « chope », il y a une erreur phonétique puisque le phonème utile /a/ est déformé en /o/.
Chaque élément est formé de 10 mots, donc 10 erreurs possibles sur le phonème utile.
« …l’on émet successivement un mot de chaque élément contrairement aux autres listes. »(2)
La liste de recrutement est émise
– au casque,
– en mesure monaurale principalement,
– à un niveau de 30 dB au dessus de la moyenne arithmétique des pertes tonales de 500 à 4000 Hz,
Une fois les 40 mots émis, on compte les erreurs commises dans chaque élément.
Dans l’élément noté 1, qui teste la zone fréquentielle 500 – 1200 Hz, le recrutement est certain dès qu’on atteint 3 erreurs.
Dans l’élément noté 2, qui teste la zone fréquentielle 2000 – 3000 Hz, le recrutement est certain dès qu’on atteint 3 erreurs.
Dans l’élément noté 3, qui teste la zone fréquentielle 3000 – 4000 Hz, le recrutement est certain dès qu’on atteint 3 erreurs.
Dans l’élément noté 4, qui teste la zone fréquentielle supérieure à 4000 Hz, le recrutement est certain dès qu’on atteint 5 erreurs, à condition que la perte à l’audiométrie tonale ne soit pas égale ou supérieure à 80 dB HL à 8000 Hz.
« Une correction est à faire lorsque la distorsion globale étudiée avec les listes cochléaires fait apparaître une perte d’intelligibilité supérieure à 40% (20 phonèmes perturbés sur 50) à 90 dB. Dans ce cas, on doit prendre comme seuil du recrutement un chiffre supérieur de l’ordre de 4, le niveau exact est à déterminer en fonction des qualités du système amplificateur utilisé. »(3)
Admettons qu’on détecte un recrutement dans une des ces zones fréquentielles, que faire alors ?
Le Professeur LAFON nous le dit en page 67-68 de son livre « le test phonétique et la mesure de l’audition » :
« Dans les surdités dites « avec recrutement », il existe en plus de la perte tonale, des distorsions qui réduisent la capacité informationnelle de l’oreille en modifiant la netteté du message. Les zones fréquentielles perturbées détruisent la structure significative des éléments acoustiques correspondant de la parole qui deviennent des bruits réduisant d’autant plus la capacité informationnelle. On peut constater expérimentalement qu’il est préférable de supprimer dans une amplification les zones perturbées ce qui ne fait qu’amputer le message de quelques éléments significatifs, mais réduit dans une proportion appréciable le bruit et par là même augmente la netteté des signaux restants. »
Ces mêmes lignes, en langue anglaise, page 70 du livre « the phonetic test and the measurement of hearing », pour une diffusion internationale :
« When recruitment-like phenomena are present, the tonal loss is accompanied by distortions which reduce the informational capacity of the ear, modifying the clarity of the messages received. The frequency zones affected destroy the significant structure of the corresponding acoustic elements of the speech, giving rise to noise which reduces the informational capacity even further. It has been shown experimentally that it is better to use a hearing aid which does not amplify the frequency zones in question. This only cuts a number of significant elements out of message, but appreciably reduces the noise and thus increases the clarity of the remaining signals. »
Formidable, n’est-ce pas ?
Cette conclusion que je répète :
« … On peut constater expérimentalement qu’il est préférable de supprimer dans une amplification les zones perturbées ce qui ne fait qu’amputer le message de quelques éléments significatifs, mais réduit dans une proportion appréciable le bruit et par là même augmente la netteté des signaux restants. »
ne vous rappelle t-elle pas celle proposée, au début des années 2000, par le Professeur MOORE avec le TEN TEST et les zones inertes cochléaires ?
On peut, bien sûr, pratiquer la liste de recrutement avec chacune des personnes que l’on reçoit.
Mais le Professeur LAFON insiste sur les deux moments essentiels où il faut l’utiliser.
Le premier :
« Devant la présence d’une distorsion à 90 dB qui ne porte pas essentiellement sur des consonnes ou lorsque l’intelligibilité phonétique ne s’améliore pas de façon nette avec l’intensité la courbe tendant à devenir horizontale ou même décroissante, il est indispensable de pratiquer des épreuves de recrutement. »(4)
Le second :
« La présence de vertiges implique la mesure du recrutement, en mono ou en biauriculaire suivant la forme du seuil tonal, en commençant par la plus mauvaise oreille en mono-auriculaire. »
En résumé : après la liste cochléaire, facile à pratiquer, pourquoi se priver de la liste de recrutement !
Dans le prochain article, je donnerai quelques informations complémentaires sur cette liste de recrutement.
JYM
(1) Page 161 du livre du Professeur LAFON « le test phonétique et la mesure de l’audition ».
(2) Page 145 du livre du Professeur LAFON « le test phonétique et la mesure de l’audition ».
(3) Page 147 du livre du Professeur LAFON « le test phonétique et la mesure de l’audition ».
(4) Page 144-145 du livre du Professeur LAFON « le test phonétique et la mesure de l’audition ».
Bonjour Jean-Yves, et merci pour toutes tes remises à niveau.
Une éventuelle corrélation a t-elle déjà été recherchée entre un mauvais résultat au test de recrutement et un TEN Test positif ?
Bonjour Xavier,
Merci pour ta question très pertinente.
Je ne pense pas que cela ait été fait car il faut savoir utiliser, à la fois, la liste de recrutement et le TEN TEST.
Pour ma part, je ne pratique (malheureusement) pas, pour l’instant, le TEN TEST et ceux qui pratiquent le TEN TEST ne connaissent peut-être pas l’existence de la liste de recrutement.
Sans aucun doute un très bon sujet de mémoire pour un étudiant de troisième année.
J’espère que ta question va susciter une (ou plusieurs) recherche en ce sens