Nous sommes fin mai 1994. Je suis tout heureux car j’ai réussi à obtenir du Professeur Jean-Claude LAFON qu’il intervienne durant deux jours au siège parisien de l’entreprise pour laquelle je travaille. Une petite dizaine d’Audioprothésistes est là pour l’écouter. J’enregistre ses paroles sur cassettes à bande magnétique. Ce que je vous propose en est une retranscription écrite, non in extenso car malheureusement certaines cassettes s’avéreront de mauvaise qualité et donc inaudibles à l’écoute. Je m’en veux encore !
Professeur Jean-Claude LAFON :
« Le deuxième élément, c’est le volume. Quand vous êtes dans une pièce, vous avez des réverbérations qui changent ce qui appartient au timbre, donc les tonalités que vous recevez de la voix que vous recevez (qui sont fonction donc des échos). Le bruit du tonnerre est différent en plaine et en montagne (le son y est répercuté, il va donc changer de tonalité). Le tonnerre donne une image géographique du lieu. Dans une grotte ou une église vous reconnaissez, les yeux fermés, où vous vous trouvez par l’écho qui vous donne la sensation du volume et de la nature des parois. Dans une chambre sourde, beaucoup de personnes sont dépaysées car elles voient les murs qu’elles n’entendent pas. Les parois absorbent donc, n’ont pas de distance acoustique. Il y a donc discordance entre les sensations visuelles et les sensations auditives. La sensation auditive vous dit que vous êtes dans un vide infini, la visuelle vous dit qu’à 1-2 mètres vous avez la paroi. Le sourd est moins gêné
Il existe, en troisième élément, une représentation de l’environnement qui vous permet de situer les éléments réverbérants qui ne se produisent pas : fenêtre et porte ouvertes donnent un « trou » acoustique que l’on repère et situe. Il y a un repérage en 3 dimensions. On finit, avec l’entraînement, à entendre une porte ouverte sur un lieu silencieux. L’aveugle aussi l’entend, il se représente le volume, les distances, la profondeur. Il n’a pas le relief ni la perspective mais avec la distance il peut se déplacer relativement facilement
Les échos gênent dans la compréhension de la parole car ils viennent prolonger la durée des structures phonétiques en les mélangeant aux structures phonétiques qui suivent (église). Le décalage de temps qui fait que vous entendez un doublé de la parole, sa discrimination devient plus complexe
Voilà pour ce qui est du fonctionnement de l’oreille. Ca, c’est une fonction qui est très mal redonnée par les prothèses. Pour un sourd l’univers est plat, essentiellement visuel ayant 2 dimensions ».
JYM